SNCF Gares & Connexions, responsable des gares françaises, a signé le 13 novembre une promesse de Convention d’Occupation Temporaire avec Loxamed* portant sur une nouvelle offre de santé : d’ici 2028, près de 300 gares accueilleront des espaces de télémédecine visant à répondre aux problèmes liés aux déserts médicaux.
Des centres médicaux arrivent en gares
Les grandes gares sont nombreuses à s’être transformées en centres commerciaux ces dernières années. Elles seront peut-être bientôt des centres médicaux.
La SNCF a choisi la société Loxamed pour déployer progressivement des espaces de télémédecine dans 300 gares d’ici 2028. « Il existe déjà des pharmacies et des centres de biologie médicale au sein de nos gares mais nous souhaitons aller plus loin pour répondre au mieux aux souhaits de la population », a déclaré dans « Le Quotidien du Médecin », Raphaël Poli, Directeur Général de SNCF Retail & Connexions, gestionnaire des espaces commerciaux.
Les espaces de santé seraient progressivement installés dans des gares choisies avec les Agences Régionales de Santé (ARS) sur des territoires sous-dotés en médecins.
Ces espaces de télémédecine pourraient accueillir « des activités secondaires comme la vente de produits de parapharmacie ou de première nécessité » annonce Arnaud Molinié, Président de Loxamed. Une activité jugée « indispensable pour essayer de rendre ce modèle rentable ».
La « financiarisation » en marche
Ce projet déclenche une levée de boucliers de la communauté médicale.
Dès l’annonce de ce projet, le Conseil National de l’Ordre des Médecins a annoncé sa vive opposition, estimant que cette initiative commerciale participe à la « dérégulation de notre système de santé (…) en détournant des professionnels de santé qui seront ainsi moins disponibles pour exercer dans les territoires les plus vulnérables ». L’Ordre des Médecins y voit un nouveau signe de la financiarisation de la médecine.
Une dérive que dénonce également l’UFML (Union Française pour une Médecine Libre), syndicat présidé par le Dr Jérôme Marty : « La financiarisation du soin ne vise qu’à développer une médecine à bas coût, très lucrative pour ces entreprises qui n’ont rien de bienfaitrices. » Le syndicat invite les médecins à résister face aux « cabines à fric ».
Quand la santé déraille !
La SNCF, qui semble moins s’émouvoir des déserts ferroviaires, prétend ainsi lutter contre les déserts médicaux. Quel altruisme !
D’ordinaire, on va à la gare SNCF (quand il y en a encore une) pour prendre le train, en espérant qu’il sera à l’heure et qu’il n’y aura pas trop d’imprévus pendant le voyage.
Demain, en attendant son train, on pourra avoir accès à une cabine de télémédecine connectée d’environ 15 m2 où l’on pourra échanger à distance avec un médecin libéral installé on ne sait où, mais pas dans la gare.
Les promoteurs de la télémédecine de gare assurent que les personnes auront comme interlocuteur un médecin généraliste exerçant sur le sol national et que la téléconsultation sera encadrée de manière systématique par un infirmier ou une infirmière diplômés d’État libéral. La prise de rendez-vous s’effectuerait sur place ou via les plateformes en ligne.
Peut-on décemment adopter cette pratique à la santé et considérer qu’il est normal de demander à un patient de s’adresser à un médecin comme on appelle un technicien anonyme ?
On est très loin d’une politique de santé publique digne de ce nom.
Certains diront que c’est « une idée à la … » et ils n’auront pas tort.
Références :
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Medscape : premier site d’information pour les médecins et professionnels de santé
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Article du « Quotidien du Médecin »
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Article de l’hebdomadaire « Marianne » (n°1395 / 7-13 décembre 2023)
*Loxamed : entreprise spécialisée dans la mise en place de services de santé innovants